INTERVIEW
de Edouard DUPREY producteur des
Crevettes pailletées |
Mais dis-moi : comment devient-on producteur de cinéma ? Je connais autant de parcours différents que de producteurs. Me concernant, c’est à la fois un hasard et une évidence. J’ai produit mon premier film à 40 ans en tombant sur un pitch qui m’a enthousiasmé : « C’est l’histoire d’un gars qui va épouser son mec et qui tombe amoureux d’une femme ». Ca s’appelait « Coming in » et c’est devenu Toute Première Fois. Je ne connaissais personne dans le milieu du cinéma qui n’est pas très « ouvert » mais j’avais un solide passé de diffuseur et de producteur de télévision, alors j’ai contacté Gaumont par Linkedin et M6 par Facebook et ils m’ont répondu. J’ai appris mon métier en le faisant et je ne suis pas encore certain de savoir le faire.
A propos de Toute première fois : le film a coûté 5,4 M€, il a fait 426 000 entrées ; peux-tu me dire ce que gagne vraiment un producteur sur les recettes en salles ??? Cela dépend de la façon dont le film est financé. Là aussi, il y a autant de réponses possibles que de films. Par exemple, sur Toute Première Fois, je n’ai pas été le roi de la négociation. On dit souvent que sur un premier film, on "paie pour voir » et j’ai vu... Malgré le succès du film, je n’ai pris aucun salaire producteur, ni de frais généraux. 3 ans de travail pour 0€, ce n’est pas un très bon deal - En revanche, je vous rassure toutes les autres personnes qui ont collaboré à ce film (auteurs, réalisateurs, techniciens, comédiens, prestataires) ont été confortablement rémunérées. Mais, ce premier succès m’a ouvert des portes et permis de produire mon premier long-métrage en anglais Kill Ben Lyk d’Erwan Marinopoulos qui remporte des prix dans les festivals du monde entier et qui sortira au deuxième semestre 2019, ainsi que « Les Crevettes Pailletées » que vous pourrez voir à partir du 8 mai sur un écran près de chez vous. Heureusement, il y a tout de même le mécanisme du fonds de soutien mis en place par le CNC et donc, étant co-producteur délégué du film, ma société en a bénéficié. Il est généré par chaque billet vendu. Ce sont des formules assez complexes, mais grosso modo 10% du prix d’un ticket de cinéma sert à l’alimenter. Il est ensuite réparti entre les différents producteurs délégués. J’ai pu m’en servir avec mon coproducteur, Renaud Chelelekian, pour financer le développement des Crevettes Pailletées car développer un film est très coûteux
Qu'est-ce qui t'as amené à produire Les crevettes pailletées ? La rencontre de Cédric Le Gallo (co-auteur et co-réalisateur
du film). Il avait réalisé une série courte intitulée
« Scènes de culte » pour CINE+. Elle racontait l’origine
des scènes cultes du cinéma. Dans un épisode, il
expliquait que la fin de Thelma et Louise» était
due à un mauvais fléchage de route par un régisseur.
Cela m’avait fait beaucoup rire et je ris rarement aux blagues
des autres. Alors, je l’ai rencontré. Nous nous sommes
racontés nos vies et dans la conversation, il m’a dit qu’il
était waterpoliste dans une équipe gay, Les Crevettes
Pailletées, et qu'ils avaient participé aux Gay
Games à Orlando en Floride. |
Bien sûr. Certains producteurs tueraient pour faire un tel score
sur un premier film, surtout aujourd’hui. Mais plus encore que
les entrées, l’accueil du public et le Grand Prix du Festival
de Comédie de l’Alpe d’Huez ont été
très importants. Clément Lemoine et Frédéric
Cassoly qui organisent ce festival avec passion ont permis à
Toute Première Fois d’exister et à
mon travail d’être reconnu chez « les professionnels
de la profession ».
Tu peux nous décrire le processus obscur de production d'un film : en bref, quel est ton rôle? Qu’y a-t-il d’obscur dans le processus de production (hormis
la « salle obscure ») ?
J’y suis « passé » quelques fois, mais pas
autant que je l’aurais souhaité pour limiter les coûts.
J’aurais voulu accompagner l'équipe à Zagreb ou
passer plus de temps dans la Région Grand Est, mais à
chaque fois ce sont des frais supplémentaires qui ne se voient
pas à l’écran et moi je veux que chaque euro se
voit à l’écran. La valeur de production des Crevettes
est d’ailleurs assez incroyable. En plus, les équipes sont
généralement ravies quand le producteur ne vient pas car
comme c’est la seule personne qui sur le plateau n’a pas
d'utilité directe, il dérange au milieu de cette incroyable
ruche.
Récemment, aux USA, S. Johannson a renoncé à un rôle de LGBT suite à une polémique (le sous-emploi des artistes LGBT) ; un mot là-dessus ? Vous m’apprenez cette histoire et
je serais ravi d’en discuter avec vous et Scarlett autour d’un
verre. Auriez vous ses coordonnées ?
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Les crevettes pailletées est-il le digne héritier de La cage aux folles, Gazon maudit ou de Priscilla, folle du désert ? J’aime beaucoup ces 3 films et je me souviens exactement où,
quand et avec qui je les ai vus. Les Crevettes s’inscrivent
effectivement dans cette
Les LGBT ont une visibilité de plus en plus importante sur grand écran : en quoi Les crevettes pailletées apporte-t-il sa pierre à l'édifice ? Je ne sais pas si nous apportons une pierre à un édifice…
ou pour rebondir sur l’actualité: une poutre à une
charpente… mais, même si "les films sont
Quels sont tes projets ? Le projet le plus excitant du monde : Under Paris,
un film écrit par Yannick Dahan, Maud Heywang et réalisé
par le magnifique Xavier Gens. Et le projet le plus excitant de la galaxie : "Zorg Studios",
un studio de cinéma nouvelle génération que j’ai
créé avec Erwan Marinopoulos et Gaspard de Chavagnac.
Après le succès de Kill Ben Lyk, nous
avons 4 scénarii dingues et plusieurs projets en développement.
Des films de genre. Un peu dans la lignée du studio Blumhouse,
mais version européenne. Je trouve cette identité européenne
fondamentale. Nous allons tourner un nouveau film après l’été.
J’ai hâte.
Question subsidiaire : Si tu devais emporter un seul film avec toi sur une île déserte, quel serait-il et pourquoi ? Cela dépend.
Merci Edouard, merci infiniment pour tout (et particulièrement de la confiance que tu as placé en moi...) : plus qu'une interview c'est une véritable rencontre...
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