Bonjour à toi Rémi et surtout merci de
m'accorder cette interview.
Dis-moi : je suppose qu'il est aisé de monter un film
à plus de 11 M€ après avoir réalisé
un succès à plus d'un million deux cent mille entrées
? Au fait pourquoi est-ce une production franco-belge ???
Pour une raison toute simple : en France c'est interdit de tourner avec
des enfants de moins de 6 mois. En Belgique c'est autorisé. Et
pour ce film c'était primordial d'être réaliste
par rapport à l'âge de bébé...
Le sujet d'Un heureux événement
avait-il une résonance dans ta vie : en clair, pourquoi as-tu
adapté le livre d'E. Abecassis ?
Oui, ce sujet avait une résonance dans ma vie et celle de ma
femme avec qui j'ai écrit l'adaptation de ce livre. Mais on touche
à quelque chose de très personnel ;) Pourquoi ce livre?
Parce qu'il m'apportait une légitimité par rapport à
ce thème de la maternité qui me passionne, moi qui ne
suis pas encore père.
Après 3 films je commence à mieux cerner tes exigences
cinématographiques : garder une part d'auteur (les personnages
sont bien écrits, forts et épais) et en même temps
faire du divertissement grand public ; en es-tu conscient ?
Oui, mais le problème c'est qu'en France c'est compliqué
d'être "entre deux", et mon cinéma est à
la fois auteur, et populaire.
Autre marque de fabrique "Bezançon" : la justesse
du ton de tes films, on s'identifie très facilement aux personnages,
les situations nous parlent car elles sentent le vécut ; bon
allez, quel est ton secret Rémi ?!?
J'observe beaucoup ce qui se passe autour de moi, je suis très
en retrait de la vie. Et dans ma mise en scène je suis excessivement
dans l'axe des regards de mes comédiens, ce qui donne cette impression
d'être à l'intérieur de la scène...
Je sais que ce film a été volontairement co-écrit
avec une femme pour apporter cette double sensibilité nécessaire
à la réussite de l'entreprise (tu l'évoquais à
l'époque du Premier jour du reste de ta vie)
: vous vous êtes partagé le travail comment ?
On a écrit à 4 mains, avec un seul ordi (tu imagines bien
le carnage...). Mais comme Vanessa Portal - ma co-scénariste
- partage ma vie depuis longtemps, c'était une expérience
extraordinaire. Et puis j'aimais bien l'idée d'écrire
en couple sur le couple, c'était une mise en abîme intéressante.
Quel rôle as-tu joué dans le choix de L. Bourgoin
?
C'est mon choix numéro un. Elle est intelligente, belle et créative.
Justement : as-tu été obligé de "diriger"
un peu plus Louise, qui n'a pas encore été maman, en tous
les cas plus que tu n'as pu le faire avec d'autres actrices / acteur
plus proche de leur rôle ?
Absolument pas. Je souhaitais dès le début travailler
avec une comédienne pas encore maman. Je n'aurais pas supporté
qu'une comédienne déjà maman m'explique comment
ça c'était passé avec son enfant. Et puis je n'avais
pas envie d'un témoignage supplémentaire à celui
d'Eliette Abecassis.
E. Abecassis a-t-elle vu le film et qu'en a-t-elle pensé
?
Elle a mis 2 jours avant de pouvoir m'en parler. Elle était bouleversée.
Elle m'a envoyé un message magnifique où elle me comparait
à Henry James - la classe. Et elle m'a dit quelque chose de très
beau : ton film est une trahison fidèle de mon livre, ça
m'a beaucoup plu...
Je n'ai pas lu le roman mais d'après ce que j'en sais
tu as quelques peu changé la narration, le point de vue du récit
(plus intériorisé dans le livre je crois) : est-ce un
choix purement cinématographique ou personnel ?
Le livre était plus sombre, plus dramatique. J'ai surtout rajouté
du soleil. Et puis le personnage de Pio Marmaï (le père)
n'existait presque pas dans le roman. Vanessa et moi trouvions que c'était
important qu'il existe plus dans le film.
Penses-tu qu'il y a des "tabous" au cinéma
lié à la maternité, généralement
vue en rose, façon Hollywood ?
Je pense oui. Nous vivons dans un monde asseptisé ou il ne fait
pas bon de penser différemment, un monde uniformisé, la
génération coca-light ;)
Ça vient de moi ou les deux parties que forment Un
heureux événement (avant l'accouchement et après)
se répondent ? C'était voulu et calculé ?
Ca ne vient pas de toi, le film est construit en miroir, tout ce que
tu vois dans la 1ère partie se reflète dans la 2nde partie.
Bravo, tu as l'oeil ! Et oui c'était voulu. J'avais envie d'une
1ère partie très onirique (attente de l'heureux événement)
et d'une 2nde partie plus réaliste (arrivée de la vie...)
As-tu envisagé au moment de l'écriture de faire
de ce film une saga façon Truffaut et son Antoine Blondel ?
Absolument pas, même si j'adore Pio Marmaï ! Je n'écris
jamais en pensant à des acteurs en particulier. Pour ne pas influencer
mes dialogues... Mais bon, je serai très fier que Pio soit une
sorte d'Antoine Doinel - ça voudrait dire que je serais une sorte
de François Truffaut, même si je lui préfère
mille fois Claude Sautet...
Qu'as-tu appris de nouveau sur le cinéma avec le tournage
de ce 3ème film ?
Plein de choses qui n'ont rien à voir avec la technique. Plutôt
un apprentissage humain. Ce qui est le plus important.
Ce n'est pas facile de gérer sa carrière après
un succès, très souvent les films suivants n'ont pas le
même retentissement auprès du public (avec 210 000 entrées
tu t'en tires plutôt bien mais il faudra un bon bouche-à-oreille)
; comment tu vis ça : en suivant le moindre chiffre du box office
?
Oui je m'intéresse au BO, c'est comme ça que j'ai atterri
sur ton site ! Mais j'ai surtout mes codes Cinéchiffres et Cinézap,
bien sûr ;) Je suis content de sortir de cet après "Le
premier jour du reste de ta vie" qui est un peu lourd,
parce qu'en France on n'aime pas quand on a du succès, c'est
louche... Là les Inrocks ont titré : Un heureux
événement : une horreur. Et il écrivent
que je fais du "non cinéma"... Qu'est-ce que tu veux
que je te dise. Le problème des critiques c'est qu'ils n'existent
pas sans nous, les réalisateurs, alors que les réalisateurs
existent sans les critiques. Plus familièrement : un critique
c'est un impuissant qui regarde les autres baiser ;)
Dans quelle direction vas-tu partir après Un
heureux événement : une autre adaptation ? Un
scénario original ? Quels sont tes projets ?
Je termine en ce moment même mon film d'animation Zarafa
qui sort le 8 février 2012. Et on écrit des choses avec
Jean-François Halin (le créateur/scénariste/inventeur
d'OSS117).
à+
R
Merci encore d'avoir pris le temps de répondre alors
que tu es en plein boulot !
P.S. (Cherchez pas à comprendre lecteur, c'est une private
joke) Tu es tout pardonné : j'espère que le vin était
bon !!! ;)