Encore et toujours l'un des films les plus puissants de son
auteur et des plus réussis. Une vision cauchemardesque
de l’emprise télévisuelle couplée
à une vision sado-masochiste de notre rapport avec ce
média ; un choc émotionnel et mental. Brillant,
ne serait-ce qu'au niveau visuel, via cette photo charnelle
et étouffante, orangée et rouge, ces corps sujets
à toutes les pires et les plus surprenantes métamorphoses,
mutilations (L'ouverture vaginale dans un abdomen, une main
qui « absorbe » un revolver, un type qui implose
lentement …). Mais Cronenberg évite avec sagesse
tous débordements sanglants, même s'il aime à
parler de viande, de chair sans âme ; de plus sa réalisation
est très racée et il y a tant de significations
derrière ses mouvements lents, larges et si douloureux
parfois, derrière ses plans fixes et contemplatifs qui
rendent si mal-à-l'aise. Un film visuellement violent
et douloureux, aggressif et jouissif. C'est ainsi que la critique
de notre univers télévisuel va s'en trouver être
encore plus cinglante : votre « ami » est votre
pire ennemi, elle est nocive, sexuelle, violente, gargantuesque,
elle vous détruit de l’intérieur telle une
drogue, vous lui appartenez, vous croyez aveuglément
en elle, en ce qu'elle vous propose. Chocantes sont ces scènes
voyeuristes de sado-masochiste très snuff… mais
vous ne détournerez jamais le regard, attirés
comme des mouches… oui, car le héros de ce film,
c'est bel et bien vous, spectateur !
Admirez ces métaphores kafkaiennes de l'homme fouettant
son maître, de l'homme-magnétoscope qui absorbe
directement les images, de l’homme qui ingère la
violence d’une arme comme partie intégrante de
lui- même. Décrypter c'est adoptez le point de
vue de cet auteur toujours très en avance sur son temps,
très réfléchi et intéressant ; son
film est à l'image de notre monde : absurde, excessif,
méchant, violent et complaisant. Cronenberg nous parle
de cette télévision devenue racoleuse à
l'extrême et de la fascination qu'elle exerce sur les
spectateurs. Son film est une réflexion sur la violence
des images, sur l'influence de la télé sur notre
conscience, réflexion sur les nouveaux médias,
véritables sociétés secrètes désirant
avant toutes choses avoir la main mise sur nos esprits par une
espèce de communion contre nature. Le symbole de cette
communion étant ce que j'interprète comme étant
une espèce de nouvelle forme d'acte sexuel / sexué
: la K7 / l'image / le média étant la verge médiatique
qui pénètre en nous et nous fait jouir. C'est
tout autant une réflexion sur le réel et sur sa
perception : les images nous manipulent, devenant peu à
peu le reflet de nous-même.
C'est pourquoi dans ce film le "sur-naturel" surgit
d'où on ne l'attend pas... Images inédites, viscérales,
étonnantes, fantasmagorie très personnelle, symbolique
et tout autant évocatrice.
Merci à Trevor Jones et à l'incroyable J. Woods
pour leur composition respective et sans faille.
NOTE : 17 - 18 / 20