Toute la force de ce film est de ne pas être un film
d’horreur ou d’épouvante au sens accepté
et souvent réducteur du terme. Ni un film de zombis,
ni un film de fantômes : une oeuvre définitivement
originale et dans sa thématique, son traitement et le
ton employé. Ici l’épouvante n’est
qu’un prétexte poétique et morbide à
la réflexion que nous apporte Stephen King. Mary Lambert
a mis au point la plus brillante adaptation d’un livre
de cet auteur : jamais œuvre du 7ème art n’aura
traité aussi brillamment du probléme moral et
sociologique qu’est la mort (son acceptation par les enfants
et par les adultes lorsqu’il s’agit de leurs propres
enfants). Le film, au-delà de sa naturelle aisance à
nous terrifier (Mr Goldenthal peut se vanter d’avoir filer
des cauchemars à toute une génération :
il a composé un chef-d’œuvre), nous gratifie
de scènes inoubliables (l’accident avant toutes
les autres, l’enterrement sous forme d’électrochoc
hyper-réaliste, ainsi que toutes les scènes mettant
en avant le petit Gage, entre terreur pure et larmes sincères…)
et une véritable réflexion intelligente sur l’unité
familiale, l’inéluctabilité de la mort et
son aspect naturaliste inhérent à la vie. De la
difficulté d'accepter la fin de la vie : pour les enfants,
mais tout autant pour les adultes. Avec une pointe de religiosité.
Tous les acteurs sont presque des inconnus, ils le resteront,
sauf pour tout ceux qui ont vu ce film où ils donnent
le meilleur d’eux-même. M. Lambert possède
un sens inné des images, les cadrages sont troublants,
toujours au niveau de l’histoire, angoissant, ils captent
merveilleusement bien ce qui est resté invisible tout
au long de ce film : la peur ! La scène finale est un
pur traumatisme doublé d'une réflexion intense
sur cette peur de la séparation : malgré les conséquences,
le héros égoiste va se prendre pour un créateur,
défier le cycle de la vie et de la mort, arréter
le temps malgré de sanglantes conséquences. Reste
à saluer les effets choquant car très réalistes
(les morts y sont plus vrais que nature et d’autant plus
« sensibilisants »).
Vu au cinéma à 18 ans, c’était un
chef-d’œuvre du cinéma d’épouvante
(pour un habitué c’est une date), revu à
20 ans il conserve toute sa puissance terrifique et laisse d’amères
souvenirs qui sont autant de points de repères cinématographiques
et émotionnels.
Enfin, une nouvelle vision 25 ans plus tard –devenu entre
temps père- et on ne sait retenir ses larmes et ses frissons,
ni se dire que ce chef-d’œuvre d’un soit-disant
sous-genre, vaut pour la justesse de son propos et du ton qu'il
adopte, et qu’il reste, sans appel, un chef-d’œuvre
du cinéma tout court. N’hésitez plus à
venir voyager dans le domaine interdit de la mort, là
où nous devenons tous égaux.
NOTE : 19-20 / 20