"Dieu a créé le monde et la vie en 6 jours,
et s'est reposé le 7ème". Seven
se déroule sur 7 journées...
Fantastique ? Oui. Car on veut se persuader que cet être
abject ne peut exister. Et puis fantastique comme étrange,
comme thriller psychologique très dérangeant.
Mais avant tout un film qui marque les vrais débuts d’une
carrière prometteuse pour Brad Pitt (cf. l’évolution
de son jeu entre le début du film et sa bouleversante
interprétation finale), la confirmation pour Fincher
: c’est un type bourré de talents et qui va devenir
l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire.
Et, enfin, l’étonnement pour ce scénariste
nouveau venu qui refera forcément parler de lui.
Passons à l’analyse et mettons nous d’accord
: si cette œuvre atteint un pareil niveau c’est qu’elle
est imbibée d’une violence omniprésente
(celle d’un constat social, celle du quotidien des policiers,
celle du meurtrier, celles des images) ; mais cette horreur
n’est jamais gratuite, elle est atrocement logique (respect
quasi clinique de la visualisation du métier de flic…),
de plus elle fait naître d’étranges sentiments,
refoulés d’habitude par un rire ou un certain recul
; ici aucun échappatoire, le scénario nous sert
le cou jusqu’à l’étouffement, le film
est vécu intensément et de l’intérieur.
Pourquoi ? Parce qu’ici tout est diégétiquement
plausible, bien plus que dans n’importe quel polar. La
vie des personnages s’anime, elle s’étoffe
et nous la ressentons bouger (une vie de couple presque banale,
des flics fort bien esquissés … le meurtrier en
ressort d’autant plus irréel). Ensuite la photographie,
fortement imprégnée de noir et blanc, comme de
la chair morte, glauque, humide, qui finit de vous étouffer,
force notre regard, nous implique directement, nous attire par
sa « beauté du mal ». Elle se ressert sur
nos « héros », participe à faire basculer
leur vie pour s’aérer vers la fin, lorsqu'on sort
enfin de cette ville; les ombres représentaient nos points
négatifs et la lumière vient éclairer la
haine des protagonistes afin que l’on ne sorte pas intacte
du film. Les dernières images, très, très
pessimistes, sont d’ailleurs nocturnes ; on imagine cette
chose atroce : la vie futur de Miller (folie, remords, solitude
dépression). Un terrifiant cercle vicieux.
C’est un film qui parle à chacun de nous, individuellement,
grâce aux caméras de Fincher, le filmage en petites
touches vicieuses et délicates, invisibles mais qui nous
vont droit au cœur, réalistes et puissantes (la
poursuite : les écoles de cinéma la reprendront
à loisir), irréelles et démentes lorsque
le film bascule en même temps que la vie du héros.
La scène finale regroupe tout cela, elle transforme la
vision de ce film en cauchemar. Le scénario est l’appât
ultime de ce film : un jeu de piste effrayant où l’ennemi
peut se trouver n’importe où, à tout moment
; une narration qui va à l’encontre de tous les
clichés habituels, lorsque le criminel se dénonce
de lui-même avant la fin du film -faisant comprendre à
la policequ'elle ne l’aurait jamais trouvé- et
rend l’intrigue encore plus pernicieuse. La bande-son
rapproche les images de nous (la pluie couvrant les voix, le
grésillement des fils à haute tension, le fourmillement
de bruits familliers à peine audible mais présents…
on s’y croirait). Les décors constituent une véritable
prouesses : présents mais anonymes comme la non-identification
de la ville, étouffants, menaçants, organiques,
tels des veines asséchées, maladifs, souffrants,
agonisants, indélébiles ; dans ce film vous ne
verrez jamais le ciel, où si peu... Howard Shore fait,
encore, un boulot impresionnant et quasiment subliminal. Ajoutons
les seconds rôles, les maquillages et vous obtenez un
film d’auteur tout public, osé, plus qu’efficace
et tellement loin de ce que fait habituellement Hollywood.
NOTE : 19-20 / 20