Voici certainement l'un des plus beau film du 7ème art ; en
tous les cas le plus abouti, le plus proche d’une certaine perfection,
celle que l’on pourrait définir ainsi :
Esthétique : la photo en noir et blanc accentue tout les contrastes,
les contre-jours, elle met en valeur les ombres et les lumières,
les fumées et les visages (encore mieux que celle déjà
extraordinaire de « Pépé le Moko »). Le noir
et le blanc prennent des teintes si harmonieuses et « coulantes
» qu’on a presque l’impression de voir un film en
couleur. Bergman fait travailler sa caméra et l’esprit
du spectateur avec la même force, avec la même fascination
: tous les paysages sont vus et rendus de façon à étonner,
à inquiéter le spectateur, son sens de l’image et
du cadrage allié à des mouvements éclectiques et
précisement étudiés suivant un certain symbolisme
(le film me semble même très moderne de ce coté
là) finissent de nous transporter et d’évoquer tant
de choses en nous. Toutes les sensations des personnages sont ainsi
présentes en nous avec force, chaque millimètre d’écran
est d’une importance capitale pour le réalisateur. Et puis
les décors et costumes, la reconstitution de l’époque
(médiévale) sont d’un réalisme troublant,
on a peine à croire que ce film est contemporain ; on dirait
une ancienne peinture. Tout ces détails renforcent l’impression
de dépaysement, d’intrusion, à la fois dans la vision
de l’auteur, dans un monde fantastique et dans un époque
révolue dont on serait les témoins privilégiés.
Irréelle et réaliste !
Artistique : Tout d’abord les acteurs, au jeu parfait et servis
par des dialogues sur mesure, qui font passer aussi bien le rire, l’inquiétude,
la fascination, l’amour, la tendresse… ils sont indissociables
de la réussite de l’œuvre ; et ne me dites pas, messieurs,
que vous n’êtes pas tomber follement amoureux de Bibi Andersson.
Ensuite le scénario, une réflexion très poussée,
intellectuelle mais jamais ennuyeuse sur la croyance, la mort et la
fatalité. Le tout dans un cadre mystique et un univers maladif
(la peste, à l’époque), de peur, de fanatisme. Un
double rôle pour le grand Max Von Sydow : celui de l’esprit
qui joue aux échecs (et sa vie) avec la mort elle-même,
et celui du corps qui erre et cherche, l’amour, la joie…etc.
Son valet représente l’incrédulité, un personnage
terre à terre, défenseur des plus faibles. La femme représente
la beauté, la finesse, l’amour et l’espoir (seule
sa famille survivront dans l’espoir de repeupler le pays). Le
mari est un rêveur : il a des visions, des visions très
réalistes. Le forgeron et sa femme représente une forme
indélicate d’amour. La femme du chevalier est le but de
toute existence : venir mourir auprès de ceux qu’on aime.
Tout cela serait bien pompeux si Bergman n’avait pas apporté
à son film l’humour, agréable, réussi et
reposant et, quelques images après, une peur toute humaine, ancrée
en nos esprit depuis la nuit des temps ; le moindre geste, le moindre
signe est amené à nous transmettre une peur indéterminée
et fascinante à la fois ; et le film de parler à notre
âme. Ainsi la scène où les pestiférés
se flagèlent pour implorer le pardon de Dieu alors qu’ils
sont entourés d’hommes vétus de noir et blanc, où
encore quand le chariot de la famille d’acteurs est prit dans
un horrible orage dans une sombre forêt et, enfin, quand la mort
vient chercher dans la chomière ces hommes et femmes ; autant
de scènes intenses, terrifiantes et émouvantes que seul
le cinéma semble pouvoir nous procurer. Apothéose du film
: la musique ; troublant, le cœur a presque du mal à suivre
ses envolées dominantes. Nous voilà dominer par une œuvre,
une œuvre qui nous apporte une jouissance à 24 images /
secondes jusqu’au final… inoubliable.
35 ans après mon 1er visionnage : Je dois bien avouer
que le film n'a pas eu la même emprise sur moi... J'y ai toujours
vu ses mêmes qualités impeccables et implacables, à
la fois de mise en scène, de photographie, de même que
scénaristiques. Mais l'impression plus globale, au vue de mon
âge, de mes croyances, de mon parcours de vie, est que derrière
une juste, intense et profonde réflexion sur la croyance, sur
Dieu, sur la religion, les superstitions d'époque, la peur de
mourir, derrière cette plongée fascinante dans l'esprit
du Moyen-Age comme jamais le cinéma n'est arrivé à
le capter, il y a certaines longueurs et des séquences qui s'imbriquent
mal dans la thématique générale. J'ai été
bien moins fasciné par cette histoire, moins captivé son
intensité, sa force, et suis resté bien plus en marge
de l'oeuvre que je ne l'avais été la 1ère fois.