Dans un futur hypothétique, un immense champion sportif
se voit contraint de prendre sa retraite pour d'obscures raisons
: mais il s'y refuse. En réalité le champion devient
trop populaire et fait de l'ombre aux géants qui gouvernent
ce monde...
Comme une entrée dans l'arène... sur un air de
musique classique. Une scène d’ouverture grandiose,
puis une description du Rollerball, de ces règles barbares
et antiques, mâtinées de carnages, de brutalité,
parfait exutoire pour le petit peuple. Ensuite on sombre dans
un monde futuriste réaliste, froid et aseptisé
: des décors à la blancheur candide, doux et lénifiant,
comme pour contrebalancer la violence à laquelle on vient
d'assister par une forme de pureté et d'innocence d'apparat.
Avec en parallèle le traitement pêle-mêle
mais en profondeur de sujets hautement ambitieux, depuis la
toute puissance des entreprises alors réunies en conglomérats,
dirigeant très officiellement le monde, jusqu'à
la régression du statut de la gente féminine,
devenue simple servante, objet que l'on s'échange sans
une once d'émotion. En passant par le terrifiant effacement
de l'Histoire, de toute la mémoire humaine, ce qui l'a
forgé et, surtout, ce qui l'a rendu libre. Le film parvient
même, le temps d'une scène incroyable, à
se transformer en une métaphore écologique qui
fait littéralement froid dans le dos. Demain les hommes
auront ainsi troqué leur liberté, leur libre-arbitre,
contre de bien vulgaires privilèges et d'éphémères
richesses. Le scénario se fait analytique, décortiquant
un monde futuriste par le prisme de son économie, de
sa politique, de sa sociologie, ce qui ne manque jamais de le
rendre passionnant, assez peu conventionnel, développant
son histoire sur des bases solides et touchant du doigt le génie
absolu. De par son scénario résolument captivant
Rollerball fait preuve d’une grande recherche
et d’un esprit d’anticipation prodigieux.
Norman Jewison filme les scènes de jeu comme de véritables
ballets, incisif quand il le faut, capturant la violence depuis
son épicentre ; son travail fascinant transporte le film,
même lors des séquences dialoguées. Les
autres scènes ressemblent à de merveilleux trips
psychédéliques, aidées d'images marquantes,
de couleurs floues, d'un rythme langoureux, de dialogues fouillés,
d'un montage glissant. Ajoutez une musique emphatique et paisiblement
antithétique -impossible d'oublier cet Adagio et cette
Toccata- et vous obtenez un film qui va bien au-delà
de son ultra-violence (la boucherie finale !), proprement jubilatoire,
couplé d’une critique puissante pour une oeuvre
indémodable.
Un final lourd de sens…
NOTE : 17-18 / 20