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La princesse et la grenouille

John MUSKER - Ron CLEMENTS
(15-16)

Quand certains se frottent à la révolution visuelle de la 3D en oubliant prestement leur scénario, Disney -qui je le rappelle avait distribué le premier et très réussi cartoon 3D : Toy story- revient aux origines, à la bonne vieille 2D, pour mieux dépoussiérer ses propres histoires ! Le résultat est spectaculaire et carrément accrocheur : un film où l'on a plaisir à rentrer dès le départ, humant l'atmosphère d'une Nouvelle-Orléans idéalisée (les dessins sont superbes, on sentirait presque les odeurs de cuisine !), sincèrement drôle de bout en bout, léger mais jamais infantile, remuant à souhait (le jazz va faire bouger même les plus rétissants à ce genre de musique et aux chansonnettes habituelles que l'on écoute dans tout cartoon !) et carrément rebondissant (croaaaa !). Le scénario est écrit avec une très belle plume, partant d'un rêve qui met en avant une Amérique entrepreneuriale où même le plus pauvre des citoyens est en droit de rêver et voir ses rêves s'accomplir, puis mettant à mal ce même rêve... en introduisant de bien vils grippages dans ce bel engrenage : tout est compromis pour de viles raisons financières, l'héroïne se métamorphose en minuscule grenouille (ce qui n'aide pas quant on veut tenir un restaurant !), même le méchant, déjà à l'origine de cette malédiction, se met à les poursuivre, aidé de terrible démons ; jusqu'en cette fin des plus... décalée ! S'il fallait trouver un défaut, je le mettrai sur le compte d'un bad guy trop expensif et coloré qui finit par faire tâche malgré l'approche vaudou pour le moins original. "La princesse et la grenouille" va secouer durant une heure quarante, façon New Orleans, les contes de fée classiques et poussiéreux, sans se vautrer dans la parodie, seulement quelques touches fines d'humour et de clins d'oeil (la véritable princesse est franchement délirante et il faudrait la mettre aux côtés de Cendrillon et consoeurs pour comprendre le travail effectué sur sa modeste personne !!!). Et s'il y a une chose qui rende vraiment puissante cette oeuvre, ce sont de toutes évidences les personnages : de la luciole réellement émouvante avec son histoire d'amour improbable mais d'une beauté sans pareille (et je ne parlerai pas ici du final...) à la vieille prétresse vaudou du fond du marais, du croco jazz-man au serviteur rebelle en passant, bien évidemment, par la jeune Tianna, héroïne noire qui ne ressemble en rien aux femmes de chez Disney (bosseuse, rêveuse, talentueuse, fonceuse) et dont le caractère est mise en avant par son contraire : un prince fainéant pas loin d'être nul, en tous les cas loin de l'idée que l'on se fait des chevaliers servants ! La fin serait presque décevante, se sacrifiant de force au rituel du happy ending, mais il fallait bien que le rêve se réalise et que l'Amérique montre qu'à force d'effort tout un chacun est à même de réussir... ce qui n'est pas forcément faux.