Quand certains se frottent à la révolution
visuelle de la 3D en oubliant prestement leur scénario, Disney
-qui je le rappelle avait distribué le premier et très réussi
cartoon 3D : Toy story- revient aux origines,
à la bonne vieille 2D, pour mieux dépoussiérer ses
propres histoires !
Le résultat est spectaculaire et carrément
accrocheur. C'est un film où l'on a plaisir à entrer dès
le départ, humant l'atmosphère d'une Nouvelle-Orléans
idéalisée (les dessins sont superbes, on sentirait presque
les odeurs de cuisine !), sincèrement drôle de bout en bout,
léger mais jamais infantile, remuant à souhait (le jazz
fera même bouger les plus rétissants à ce genre
de musique et aux chansonnettes habituelles que l'on écoute dans
tout cartoon !) et carrément rebondissant (croaaaa !). Le scénario
est écrit avec une très belle plume, partant d'un rêve
qui met en avant une Amérique entrepreneuriale où même
le plus pauvre des citoyens est en droit de rêver et voir ses rêves
s'accomplir ; puis le film met à mal ce même rêve... en
introduisant de bien vils grippages dans ce bel engrenage : tout est compromis
pour de viles raisons financières, l'héroïne se métamorphose
en minuscule grenouille (ce qui n'aide pas quand on veut tenir un restaurant
!), même le méchant, déjà à l'origine
de cette malédiction, se met à les poursuivre, aidé
de terrible démons ; jusqu'en cette fin des plus... décalée
!
S'il fallait trouver un défaut, je le mettrai sur le compte d'un
bad guy trop expensif et coloré qui finit par faire tâche
malgré l'approche vaudou pour le moins original. La princesse
et la grenouille va secouer durant une heure quarante, façon
New Orleans, les contes de fée classiques et poussiéreux,
sans se vautrer dans la parodie, seulement quelques touches fines d'humour
et de clins d'oeil : la véritable princesse est franchement délirante
et il faudrait la mettre aux côtés de Cendrillon et consoeurs
pour comprendre le travail effectué sur sa modeste personne !
Et s'il y a une chose qui rende vraiment puissante cette oeuvre, ce sont
de toutes évidences les personnages : depuis cette vielle luciole fichtrement
émouvante avec son histoire d'amour aussi improbable que d'une beauté
sans pareille (et je ne parlerai pas ici du final...) jusqu'à la
prétresse vaudou et aveugle du fond du marais, depuis le croco jazzman au serviteur
rebelle, en passant par les braconniers du bayou et, bien évidemment, par la jeune Tianna, héroïne
noire qui ne ressemble en rien aux femmes de chez Disney : bosseuse, rêveuse,
talentueuse, fonceuse. D'ailleurs la force de son caractère est mise en avant par
son exact contraire : un prince fainéant pas loin d'être nul, en
tous les cas loin de l'idée que l'on se fait des chevaliers servants
! Dans La princesse et la grenouille on parle également et faussement sérieusement d'ascension sociale, des gens bien-né et des petites mains. On évoque même nos désirs qui surpassent trop souvent nos besoins.
La fin serait presque décevante, se sacrifiant de force au rituel
du happy ending, mais il fallait bien que le rêve se réalise
et que l'Amérique montre qu'à force d'effort tout un chacun
est à même de réussir... ce qui n'est pas forcément
faux. Et ce final est quand même plus cocasse qu'il n'y parait.
NOTE : 15-16 / 20