Les
portes de la nuit |
(19-20) |
Ceci est une critique strictement personnelle car elle
correspond à un état d’esprit délicat. «
Simple » : voici le terme idéal qui saurait qualifier cette
pure merveille. Et ici c’est avant tout une qualité, même
si la réalisation y tombe dedans (sauf pour des scènes comme
celle où Lanoux est tuée par son mari). Comment, en effet,
rester de glace face à cette puissante évocation de NOTRE
vie. L’amour, ses joies, ses affres ; la mort, sa force inéluctable
; le destin, pervers et annihilateur… Même si je désapprouve
fondamentalement la conception de ce dernier, son caractère, si
bien imposé par le scénariste Prévert, rend l’image
de la vie linéaire et piquante, gratuite, aussi inutile qu’utile,
inévitablement joyeuse et triste. Une vie qui va durer, pour les
acteurs comme pour nous, l’espace d’une simple nuit. Des acteurs
tous imprégnés, voir soumis à leur rôle et
qui tracent une ligne directe avec notre cœur. En parfaite harmonie
avec la somptueuse musique et l’ingéniosoté du scénario.
Entre réalisme et romantisme, sur des thèmes classiques
et des trames, des fins finallement peu originales vis à vis des
œuvres de l’époque, on se laisse prendre au piège,
oubliant presque qu’il s’agit d’un film, ouvert aux
critiques. Il en résulte 1 h 40 de larmes et de rires entremêlés,
jubilants, de personnages si fort qu’ils créent un effet
de miroir plus que troublant, tant d’identification pouvant aller
très loin (on suit le délateur lorsqu’il passe sous
le train…). Bouleversant. Une expérience unique de mysticisme
et une introspection douloureuse. Ce sont nos sentiments, nos voix, nos
paroles, notre amour qui défilent sur l’écran. On
se rend compte que l’on et heureux et on se demande pourquoi le
film doit à tous prix s’achever. Ce n’est pas «
la chanson qui nous ressemble », mais bien le film. Merci messieurs
Prévert et Carné de nous avoir offert un tel chef-d’œuvre.
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