Un chirurgien traumatisé et idéaliste teste une
nouvelle forme de peau, plus résistante, sur un cobaye
humain. Ce qui parait être un pitch de série B
qui aurait pu voir le jour dans les années 50-60 ou un
bel hommage au sublime Les
yeux sans visage est en fait un film... de Pedro Almodovar.
Mais pas pour le pire cette fois ! Le sujet est complètement
ailleurs et les apparences sont carrément trompeuses
: ce n'est pas un idéaliste... La domestique qui en sait
plus qu'elle ne veut bien le dire, le fils un peu débile
et complètement obsédé, la prisonnière
un peu trop douce, le docteur qui cache un lourd secret et tant
d'autres personnages secondaires qui se grefferont sur la trame
et prendront leur importance, les liens les unissant tous étant
au centre du récit ; l'intrigue est totalement centrée
autour d'eux, autour d'un drame qui n'est pas forcément
celui auquel on croit. C'est un scénario très
ambitieux, non chronologique, qui ménage un twist étonnant,
le plus polar des Almodo, tout en traitant des thèmes
qui lui sont chers, notamment le sexe, le viol et les relations
compliquées parents / enfants. Un exercice scénaristique
brillant mais desservi par un montage parfois inutilement brouillon,
plus bordélique qu'intriguant (la volonté du scénariste
de déstructurer le film est un peu poussive), rappelant
les premières oeuvres du monsieur, un "Almodovar"
plus centré sur le scénario et dont la réalisation
est anodine, mais surtout une oeuvre qui, enfin, intègre
judicieusement les obsessions de l'auteur : les déviances
sexuelles découlent ici d'une véritable logique
scénaristique et pas d'une pulsion gratuite et débile,
signature semble-t-il obligatoire d'un espagnol sur-estimé.
Le petit côté -illusoire encore une fois- syndrôme
de Stockholm renforce la puissance du film (d'où la légèreté
de l'acceptation...). Ce sera finalement une version moderne
et libérée du mythe de Frankenstein, une version
tordue où le docteur (spoilers !) crée non pas
pour se prendre pour Dieu, mais pour se venger, avant de tomber
amoureux de sa créature, créature qui, comme dans
tout bon film de genre, se retournera contre son créateur.
Un film riche, complexe et passionnant qui me réconcilierait
presque avec Pedro.
NOTE : 12 / 20