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L'orphelinat

Juan Antonio BAYONA
(17-18)

De nombreux thèmes essentiels du cinéma fantastique classique brassés avec la plus grande minutie et une virtuosité époustouflante : résidence aux secrets sombres, peur du noir, enfance, solitude, fantômes, médium... Ce film fantastique est un modèle du genre, un exemple parfait de ce qui se fait de mieux et de plus intelligent ; ici l'incursion du fantastique y est toujours inquiétante, lovecraftienne, l'épouvante joue sur le non-vu, laissant l'imagination débridée du spectateur s'occuper du reste, accordant toujours une place capitale au doute, moteur de la croyance ; le sujet de cette oeuvre est double : autant la peur, la notre en l'occurence, celle avec laquelle les ingénieux auteurs jouent tout au long du métrage, que la vie par-delà la mort. Et dans ce cas précis la peur est réellement au rendez-vous. Une peur diffuse, sans origine, une crainte face à l'inconnu et l'incompréhension, un sentiment abstrait, diffus qui vous laissera courir des frissons le long de l'échine (du Diable...). Le scénario prend assise sur un sujet sensible qui mettra à mal les pères et mères (ceux qui sommeillent peut-être encore en vous...) et qui est porté par une réalisation éprouvante, jouant sur le pouvoir des associations d'images, des détails apparemment anodins et dont on se demande pourquoi l'auteur s'y intéresse, des subtilités à peine palpables (à la manière d'un Polanski pour Rosemary's baby) ; le réalisateur capte nos faiblesses humaines, jouant de son scénario dont on sait qu'il nous manipule mais dont on ne peut résoudre l'énigme, on sent qu'il a effectué un travail fouillé sur le genre qu'il sert. Et ce jusqu'au final -l'un des plus beau final que le cinéma fantastique nous est offert-, âpres, sans concession, à vous tirer les larmes. Alors non : ce n'est pas un film de fantôme, on ne voit pour ainsi dire rien, les grincements de portes n'ont pas le rôle qu'on leur prête trop souvent, l'oeuvre est traitée avant tout sous l'angle de l'émotion (ce qui manque à tant de film de genre...) et du réalisme, réalisme essentiel pour capturer l'esprit du spectateur et le surprendre le moment voulu. Pas de scènes chocs, ou très peu et de toutes façons d'un réalisme insoutenable. La force de ce film c'est en fait sa discrétion, sa puissance vient de son traitement en profondeur d'un thème déjà bouleversant et par le traitement visuel tout aussi fouillé qui évite à tout prix le frisson du grand 8 et préfère le traumatisme tout psychologique qu'il est... L'orphelinat est entré au panthéon des grandes oeuvres du 7ème art et la seule évocation de l'ultime scène de "Toc, toc, toc" me fait tréssaillir !

 

La critique des internautes
 

Depuis quelques mois le premier film de Juan Antonio Bayona fait parler de lui et en très bien : Une longue ovation au dernier Festival de Cannes dans lequel il était présent au sein d’une sélection parallèle, un record de nominations Goya pour au final 8 prix et beaucoup de nominations (à l’Oscar du meilleur film étranger par exemple) et récompenses à travers le monde. Aussi depuis quelques temps déjà on ne cesse de vanter les talents des metteurs en scènes Espagnols et plus précisément des Hispaniques en général tels que Alfonso Cuaron ,Guillermo Del Toro ,Alejandro Innaritu Gonzales , Nacho Cerda , Alejandro Amenabar ,…et cela à raison , ainsi j’espérais de ce aussi film qu’il confirme cette tendance ,
De plus depuis le début du projet le très très grand Guillermo Del Toro s'est attaché au projet en tant que producteur exécutif et a veillé à ce que la vision de Bayona dont il suit le travail depuis des années, ne soit entachée par personne.

Entouré à l'exception de Del Toro d'une équipe technique essentiellement composée de novice comme lui, Juan Antonio Bayona réussit un tour de force dès son premier film (chose rare le seul exemple me venant à l'esprit est Blood Simple des Frères Coen , un film d'une maitrise et d'une puissance émotionnelle rare qui se retrouve dans les thématiques assez proches par exemple du Labyrinthe de Pan pour son approche de l'enfance et de Nacho Cerda pour ce qui est de la thématique de la mort ,même si finalement le résumer à seulement deux thématiques est assez réducteur , le metteur en scène signe un film qui oscille quand même plus ou moins entre ces eaux , avouons le pour un premier film ce n’est pas rien.
Ici donc ces deux thématiques sont intimement liées, et même si sur le papier ce film est assez proche des Autres d'Alejandro Amenabar et même du raté Saint Ange de Pascal Laugier (seul exemple me venant à l’esprit dont le lieu principal est un orphelinat aussi), et d'autres films avec des histoires de fantômes et de maisons hantées pour ne pas en citer plus ,le film parvient à s'en éloigner considérablement ce qui son premier coup de force.

Donc de choses vues et revues Bayona parvient à dégager un univers personnel et un film d'une originalité certaine, cela grâce à un scénario riche et très travaillé et aucune faute de gout sur le plan de la réalisation, la bande-son, la photographie ou encore le montage dans ce long-métrage ou chaque scène ne s’avère assez vite essentielle au fil de la progression du récit.

D'un film en apparence horrifique le réalisateur tire un drame sur le deuil aux relents paranormaux tous simplement bouleversants, en effet si on retrouve bien quelques effets d'une efficacité certaines (très rares malgré tout) même si déjà vus dans d'autres film l'intérêt du film se trouve ailleurs.

L'Orphelinat peut s'interpréter dans sa première partie comme une opposition entre le monde adulte et l'enfance , une enquête aux frontières du réel, cela doté d'un scénario tout à fait brillant et cohérent jusqu'au bout ,ponctué de références telles que Peter Pan ou de clins d’œil à Guillermo Del Toro ou au Petit Poucet par exemple.
Peu à peu Bayona effectue une forme de retour à l'enfance saisissant à travers le portrait de cette mère incarnée avec sincérité par Belen Rueda qui se donne totalement dans son rôle , cette mère orpheline dévoué à devenir la mère qu'elle aurait aimée avoir ,qui souhaiterai offrir à son fils l'enfance magnifique qu'elle a connu , mais qui va aussi au cours du film se rendre coupable des évènements qui se produisent.


Mais le sentiment que laisse au final L'Orphelinat serait moindre sans sa dernière partie , qui se trouve être un final d'une poésie renversante en totale cohérence avec le reste du film jusqu’au dernier plan , un final à la fois déchirant bouleversant et triste mais aussi si beau dont je n’en dirai pas tellement plus tant cela risquerai de gâcher la surprise au spectateur qui pourrai lire ces lignes, des scènes à priori anodine qui marquent profondément (la dernière partie de 1,2,3 Soleil qui agit en écho au magnifique prologue du film ,ou même la toute dernière scène rajoute au film une dimension supplémentaire et le termine sur une note des plus justes ,…).

Ainsi le film réussit avec sincérité là ou beaucoup d'autres tentatives ou échouées avec beaucoup de prétention et de ridicule (cf. La Jeune Fille de L'Eau de Shyamalan comme dernier exemple en date) à redonner au spectateur une âme d’enfant et un vison du monde transfigurée par l’imagination finalement comme l’avait réussi récemment Del Toro avec son chef d’œuvre absolu qu’est Le Labyrinthe de Pan.
Bref en définitive une œuvre sincère et passionnée, bouleversante qui hante le spectateur beaucoup encore après l'avoir vue.
Un metteur en scène à suivre de très près à n’en pas douter...

NOTE : 18/20

UNKUT