Après ce film il vous faudra
plusieurs jours avant de retrouver une vie normale… Lynch
ne travaille pas avec la logique mais avec les émotions
et il ajoute ici une nouvelle pierre à l’édifice
de son œuvre : après le mystère de
Lost
Highway &
Twin Peaks, l’humour
acide de
Sailor et Lula, voici une satyre teintée
d’érotisme. On ne comprendra pas forcément
ce film sur le coup (je l'avais vu au cinéma, à
sa sortie), on s’y enfoncera comme dans un cauchemar, suppliant
de ne pas voir défilé le générique
final… trop tard. Après deux heures rationnelles
et totalement envoûtantes, on plonge…
Retour sur le film.
Un terrible accident, une perte de mémoire, un mystérieux
sac bien rempli, une clé atypique, des personnages décalés,
un Winnie's. Et Mulholland Drive. S'ensuit une enquête traditionnelle
qui nous emmène dans le arcanes d'Hollywood, avant que...
Et chez D. Lynch, Los Angeles-Hollywood est inquiétante,
peuplée d'êtres "anormaux", perturbés,
maniérés, sombres ; les décideurs y sont
d'obscurs êtres dont on ne saura rien, laissant libre cours
à notre imagination folle. Effrayant.
Il y a tout d'abord l'immense finesse de la réalisation
: Lynch, l'un des plus grands auteurs vivants du 7ème art,
se complait dans de troublants mouvements de caméra lors
des scènes dialoguées, aimant à trouver à
son appareillage une position "anormale", tantôt
intimiste, tantôt d'une froideur éprouvante. Et si
Lynch sait se montrer incroyablement érotique, on retrouve
ses thèmes chéris, ses codes, dont ceux de Twin
Peaks : les années 50, les rideaux rouges, les hommes dans
de petites pièces, les chanteuses, le café ; on
retrouve sa griffe dans chacun de ses plans. N'oublions pas l'immense
composition musicale du génial A. Badalamenti et des acteurs
-dont la fascinante N. Watts- incroyables. Un film qui se sirote
doucement, comme un polar, absolument pas, surtout pas classique,
à l'arrière goût fantasque, baigné
d'étrangetés et à l'intrigue, ce puzzle scénaristique,
qui vous happe littéralement.
Puis le polar bascule inévitablement, irrémédiablement
dans l'irrationnel... La dernière demi-heure ne peut que
dérouter : les rôles s'inversent, se changent, se
métamorphosent à loisir. Le passé de mêle
au présent, les thèmes se brouillent : Gémélité
? Rêve ? Trouble de la personnalité ? Ou tout simplement
le récit d'une actrice qui rêve sa vie et qui vit
son rêve ? Chacun puisera dans son imaginare et sa propre
logique pour décoder ce film brillant qui répond
parfaitement aux exigences de son auteur : l'art n'a pas plus
de sens que la vie..
NOTE : 19-20 / 20