Le
moine |
(13-14) |
Selon si l'on est croyant ou pas, un film qui disserte sur le Diable ou sur le Mal en général. Où comment le plus pur des hommes de foi peut être tenté de devenir un "homme", un être qui goûte à la vie, aux désirs, aux tentations du commun des mortels, jusqu'à en renier sa croyance (sa morale) et à en être puni. L'histoire d'un moine poussé au pêché alors qu'il se croyait intouchable, assumant le mal qui l'a envahit dans un ultime acte de foi ; l'histoire d'un simple homme qui se laisse tenter par le mal, les bassesses humaines, et devra assumer ses actes, se repentir dans un ultime acte d'abnégation. Je ne vois pas ce film comme une oeuvre purement religieuse, un discours manichéen sur la lutte entre le Bien et le Mal, entre deux concepts en total opposition, avec d'un côté le moine absolu qui n'a connu que le monarcat et de l'autre le Diable pédophile et ses démones pêcheresses ; d'ailleurs la scène finale le prouve aisément : le Mal est vainqueur, d'une part, mais il ne l'emportera pas complètement dans la mesure où il y a un espoir, un dernier contrat que sera la rédemption du pêcheur. Ce serait, selon moi, plutôt une oeuvre qui tente de nous rappeller que la morale est la seule chose qui peut nous différencier de l'animal : la bête vit avec ses instincts, cédant à la tentation quand bon lui semble, avec égoïsme, sans conséquence aucune ; l'homme est fort et capable de se contenir, de soupeser le bien et le mal, l'homme est un être de volonté, réflexif dont l'équilibre social est régit par une justice (plus civique, légale que morale dans nos sociétés contemporaines). Absence de foi, amoralité : même combat ; ici la "beauté du Diable" n'est peut-être que la puissance du désir, de la frustration, celle-là même qui fait basculer l'homme à une autre extrême, celle de la destruction, de la perdition, de l'égoïsme, du drame le plus intense, et de la damnation. Qui plus est le scénario est cinématographiquement très bien écrit, une double intrigue (le jeune moine / la jeune fille) sans lien aucun qui nous tient en haleine jusqu'au bout, jusqu'au twist final en forme de punition, de coup du destin, un film qui avance superbement et sait se faire désirer. C'est également une oeuvre sublime : les couleurs chastes, intérieures, des images qui nous rappellent les tableaux d'un autre siècle (les visages qui ressortent plus que tout le reste -le siège de l'âme-, et des fonds très sombres), alternent avec des lumières extérieures plus vives, flamboyantes qui mettent en avant les deux pôles du film. C'est visuellement très soigné, rare même, et en même temps classique -dans le meilleur sens du terme- ; Moll nous propose une oeuvre très années 70's : les transitions en fondus, l'atmosphère qui nous renvoie à certaines oeuvres de Jodorowsky, voir à Bunuel même. La musique est lyrique et apporte à l'ambiance une note vibrante et émotive impeccable. Le spectateur sera ainsi plongé dans l'atmosphère glauque, aliénante et dérangeante d'un cloitre, bien aidé qu'il est par un V. Cassel qui porte le film de par son inspiration extraordinaire, trouvant un rôle sobre, presque intériorisé, peut-être l'un des plus beaux personnages qu'il ait eu à jouer. Une oeuvre méditative, un rien tape-à-l'oeil mais plaisante, à la fois pour les yeux et l'âme. Un film qui divise... forcément... mais je trouve que plus Moll tourne des films et meilleur il est, son fantastique est infime, ses images éclatantes (les tableaux flashies de la fin feront mal aux yeux de certains) et ses sujets forts évocateurs. |