Première qualité : c’est un film très
complet (SF, polar, action, drame, métaphysique...et
une pointe d’humour) et donc plus délicat à
écrire qu’un film de genre. Ensuite, il est impressionnant
de constater le travail du chef op’, nous offrant, pour
un futur peu valorisant, une photographie quasiment noir et
blanc, en tous les cas aux couleurs estompées ; les vétements
et décors participant de fait à cette ambiance
sombre. De même, thématiquement, ce lendemain s'avère
être ultra-sécurisé et policé, dominé
par l’image : c'est ce que démontre le scanning
oculaire automatique qui n'est qu'une forme extrême de
perte de l’anonymat, les moyens renforcés des forces
de l’ordre autant que pubs perrsonnalisées et totalement
intrusives pouvant se transformer en une arme de recherche que
ne renierait pas BigBrother. Ainsi l’humanité se
voit peu à peu gommée en même temps qu'elle
continue de se pacifier ; j'en veux pour preuve ces prisons
où les détenus sont incarcérés dans
des cocons et lobotomisés. Effrayant et noir tout en
restant très réaliste et proche de nos préoccupations
contemporaines, technologiquement très recherché
et abouti : on est réellement proche de cette manipulation
des images avec les mains, de ces recherches génétiques
; les transports, l'architecture urbaine, restent une anticipation
particulièrement excitante. Ajoutons que les FX sont
un véritable émerveillement pour les yeux et n'ont
toujours pas pris une ride.
Le film ne serait qu'un excellent polar futuriste au scénario
brillant d'intelligence, à l'intrigue touffue et ricochante,
complexe et pourtant d'une immense clarté, s'il ne dépassait
son propos premier par des implications beaucoup plus ambitieuses.
La métaphysique nous vient du thème principal
: une réflexion sur le crime d’intention et tout
ce qui en découle : peut-on être coupable d'un
crime qui n'a pas encore été commis ? Quelle est
la marge d'erreur du système basé sur 3 seuls
êtres ? Qu'advient notre liberté de changer ? Ou
se situe l'organe judiciaire ? Spielberg se garde toutefois
de critiquer frontalement ce monde où les crimes sont
à même d'être éradiqués : idéal,
utopie dont il recherche plutôt le revers de la médialle...
Un autre thème fort, à ce propos, ce dégage
du reste : celui de la science qui se substitue à la
religion (création, appelation...) et celui qui tourne
autour de la notion de destin et de libre-arbitre, mettant en
avant la question du choix. Brillant.
C'est également une oeuvre qui possède une griffe
très personnelle, dépassant ce à quoi nous
avait habitué Spielberg : très forte, puissamment
visuelle, très prenante, presque palpable, on notera
par aileurs une espèce de folie bienvenue et décalée,
inhérente à certains personnages, à certaines
situations, à une forme d’humour pas loin d'être
noir. Pour ne rien gâcher l'histoire restera à
hauteur d'homme dans le sens où il s'en dégage
une émotion intense : la disparition du fils appuyé
par les séquences vidéos, mais tout autant le
sort peu enviable de ces humains modifiés et de cette
élan d'humanité qu’on leur refuse ; ils
ne sont que des objets de science, vivant uniquement dans le
futur des autres. Eloquent.
NOTE : 17-18 / 20