Fenêtre sur cour ?
Le simple récit d'un nouveau locataire qui emménage
dans un appartement où les relations de voisinage s'avèrent
très compliquées. Habitat laissé vacant
et dans son jus par la précédente propriétaire,
fraîchement suicidée...
Voilà un film qui, à mon avis, n’est pas
fait pour le grand public : glauque depuis la scène de
l'hôpital, il va peu à peu sombrer dans le sordide
et la démence. D’une noirceur déprimante,
viscérale, chirurgicale, Polanski, au plus fort de son
pessimisme, s’est installé dans un appartement
qui risque fort de vous donner la nausée. La folie du
locataire, sa tendance suicidaire à absorber la personnalité
de la dame qui y résidait avant, avant de mourir, sa
façon grotesque de se travestir… le tout englué
par une réalisation rigoureuse, crue et sans appel ni
porte de sortie, permet au spectateur de se sentir au fil des
minutes de plus en plus mal à l’aise. Avant de
plonger dans une paranoïa des plus pures et dans un état
de fébrilité absolue, un sentiment de malaise
de plus en plus perceptible, de plus en plus intense. Pas loin
d'être repoussant... jusqu'au final qui vous plonge irrémédiablement
dans les abysses.
La progression lente et subtile du scénario rappelle
une longue descente aux enfers cinématographiques (progression
proche de celle de Rosemary's
baby) où l'on ne compte plus les miroirs
placés entre le pauvre protagoniste et nous autres, spectateurs
; miroirs comme autant de reflets d'une âme torturée.
Cet appartement sent la mort, indubitablement. Polanski incarne
son personnage avec un brio et une abnégation incroyable,
un visage vidé de toute expression, à l'air naïf,
voir gentillet.
Le film est pesant, on manque vite d’air, notre tête
enfle et pourtant on applaudit à la fin, riche d’une
expérience cinématographique ultime… ultime
jusqu’au dégoût, comme avait su si bien le
faire Fellini avec son Satyricon. Rarement
le cinéma est parvenu nous plonger avec autant de justesse
dans un état quasiment second, afin de nous faire vire
une expérience -puissante, nauséeuse- de l'intérieure,
pour nous en imprégner à chaque vision. Peut-être
l'une des plus fortes histoires de maison hantée, de
fantôme du cinéma ? Et pour cause : il n'y a sans
doute nul fantôme.
La photo finit de vous éclabousser au visage et la musique
de vous oppresser les tympans, hésitant sans cesse entre
gaieté et dépression. Ereintant.
NOTE : 17-18 / 20