Qu'il est difficile d'aborder sereinement le remake live d'un
cartoon que je considère à la fois comme un petit
chef-d'oeuvre et sans doute comme le meilleur film Disney. Alors
évitons autant que peut se faire les comparaisons mal
à propos et considérons ce film comme une nouvelle
oeuvre. Et il faut bien dire que le défi de refaire un
film live sur le classique de R. Kipling est réussi.
Il se démarque complètement des autres adaptations,
à peine relié à son modèle animé
par le fil ténu d'une chanson qui n'a pourtant plus rien
à voir avec cette nouvelle vision (pas grand chose d'épicurien,
une autre vision du monde, plus moderne) et restera un clin
d'oeil un peu mal-à-propos ; mais tellement agréable.
On conserve le registre de l'anthropomorphisme et force est
de constater les immenses qualités visuelles de cette
nouvelle version, et je souhaite insister tout particulièrement
là-dessus. Les images sont réellement somptueuses,
les décors renversants de beauté et de diversité,
les effets spéciaux proprement allucinants (rien que
le passage de Baaloo se laissant aller, sur le dos, dans la
rivière... et les nombreuses scènes de combats
!) et derrière tout cela le réalisateur livre
ici ce qui est peut-être son travail le plus beau et le
plus abouti. C'est avec force d'imagination et d'inspiration
qu'il nous permet de nous sentir complètement immergé
dans cette jungle somptueuse, traversant les ruisseaux et les
arbres géants en même temps que nos héros.
L'histoire parait toute nouvelle : celle d'un homme parmi les
animaux, un petit d'homme qui cherche sa place parmi un peuple
qui n'est pas le sien mais qui l'a pourtant élevé,
une culture qui n'est pas la sienne, étranger qui peine
parfois à s'intégrer. L'histoire d'une jungle
avec des lois, des hors-la-loi, des maîtres et des esclaves.
Mais le centre de cette nouvelle histoire est celle d'une haine
: la haine de l'autre, de la différence, haine viscérale
et irraisonnée personnifiée par Shere Khan (être
absolument buté puisque, finalement, il s'est bel et
bien vengé en tuant l'homme). Exit une certaine idée
disneyienne du "marxisme" (voir Le
livre de la jungle), le film est ancré dans son époque,
la nôtre, et on peut même, en poussant la réflexion
assez loin, y voir la réponse d'Hollywood aux idées
extrêmistes d'un certain D. Trump ; ici nous avons à
faire à un monde coloré, bigarré, une ôde
à l'entraide entre les peuples, par delà des lois
par fois trop rigides, même si cela bouleverse des traditions
vieillissantes (les astuces). On y parle d'intégration,
d'unité et d'évolution dans le respect et un certain
sens du cadre, car il n'en reste pas moins ce besoin de lois
pour lutter contre la dictature du plus fort. Une oeuvre vraiment
très, très impressionnante, aux scènes
marquantes ; un ton en-deçà de l'original mais
ayant trouvé avec justesse sa voie.
NOTE : 15-16 / 20