Le film de la maturité. Malgré d'évidentes
qualités graphiques, je n'avais pas été
conquis par un The witch qui boutait
en touche son sujet par manque d'un scénario alléchant,
d'un objectif clair et, un peu, par prétention.
Eggers poursuit pourtant son exploration d'un cinéma
de genre différent, personnel et indépendant.
De par un noir et blanc atypique, une atmosphère brumeuse
et humide, des scènes faiblement éclairées,
une bande son touffue, au naturel et souvent stridente. Et un
décor éloquent et grandiose.
Eggers compose des plans extrêmement précis pour
accueillir / cueillir le spectateur, des plans léchés
mais qui ne s'en tiennent pas à une simple une beauté
formelle : il parvient à insuffler un rythme à
son film, tant par le scénario subtilement évolutif
-et beau dans le verbe- que par de subtils mouvements qui ne
manquent jamais de nous captiver.
Difficile alors de ne pas succomber à cette atmosphère
d'isolation qui nous embarque aux côtés, au plus
près, de ses deux gardiens, dans un véritable
voyage claustrophobique, aussi intérieur qu'extérieur.
Le film s'ingénie à lancer des pistes et nous
laisse libre de toutes interprétations : il y a une malédiction
informelle, un brin de religiosité, la répétitivité
d'une vie de labeur, le carcan de l'isolement et surtout des
mensonges en guise de thématique. Mais c'est avant tout
le choc de deux êtres : l'un, marin supposé et
bourru qui a roulé sa bosse et n'est jamais avare d'histoire,
l'autre, encore plus mystérieux, en quête de liberté
et de paix. Ce sont deux acteurs fascinants et investit dans
leur rôle jusqu'à la folie. Mais il y a également
tous ces acteurs secondaires : le phare en lui-même, les
visions...
Alors on en vient à se demander quel est le sujet du
film ? Ce sera pour ma part une étude clinique des les
effets de la solitude qui nous embarque à la fois dans
le domaine du rêve, du fantasme, d'une réalité
distordue et de l'ivresse. L'étude de la folie d'un lieu
déteignant sur ses protagonistes (la lumière que
s'accapare le vieil homme, les créatures, une sexualité
détournée) ou l'on finit nous-même, spectateur,
par ressentir cette perte de la temporalité (combien
de temps ?), de l'orientation et de la réalité.
Envoûtant, original, intriguant, flou, comme si les ombres
qui planaient sur les images se reflétaient également
sur l'histoire (ou le contraire...).
NOTE : 15-16 / 20