Moins un véritable remake qu'une version clairement
occidentale, pour ne pas dire américaine, la question
qui traverse le projet est assurément la suivante : pourquoi
l'oeuvre de Oshii n'a pas rencontré son public à
sa sortie en salle, hors de son pays d'origine ?? Parce que
l'oeuvre originelle était trop métaphysique et
ancrée dans la culture du Japon et surtout des mangas,
guère en vogue à l'époque ? Et c'est ce
qui, semble-t-il, a motivé ce passage d'un film de sensations
et de questionnements complexes, sans forcément de réponses
limpides, en une oeuvre claire, pour ne pas dire éclaircie,
scénaristiquement rectiligne comme une rédaction
d'élève de collège. On y a forcément
perdu beaucoup de matière première.
Oeuvre colorée, flashie, cyberpunk jusqu'aux bout des
ongles, visuellement très inventive et touffue, elle
n'en reste pas moins un vibrant hommage au travail esthétique
de son modèle. C'est tout simplement un instrument technologique
à portée artistique qui oublie quelque peu la
philosophie de l'oeuvre d'origine. C'est en fait, dans ses fondements,
un tout autre film qu'il faut aborder tel quel pour ne pas être
trop déçu et surtout conserver une certaine objectivité
critique : il n'en reste pas moins qu'il s'en dégage
une sacrée atmosphère et qu'il différe
par bien des points des canons hollywoodiens. Américanisé
dans l'ADN, pour ne pas dire dans l'âme, le film se concentre
sur deux aspects : la robotisation comme nouveau moyen de survivre
à son corps (le nouveau pendant de la chirurgie esthétique),
et la question -trop éludée à mon sens
- de l'humanité derrière la cybernétique
à outrance. On parle moins du sens propre de la vie (qu'est-ce
que la vie ? Qu'est-ce que l'âme ? Qu'est-ce qui fait
de nous ce que nous sommes ? ) que d'une héroïne
robotisée à la recherche de son passé humain,
que de cette enquète qui débouche sur quelque
chose de nouveau et de ce méchant inédit mais
pas forcément pour le meilleur puisque profondément
dénaturé. On oublie forcément d'évoquer
cette conscience qui fait de l'homme ce qu'il est.
Derrière de gros clin d'oeil -des scènes phares
qui passent de l'animé au live avec beaucoup de grâce-,
derrière une travail musical excellentissime, derrière
une oeuvre qui laisse de côté ses aspects sexués
et sanguignolants, ce nouveau Ghost in the shell
est plus un bon film qu'un bon remake, donnant à "manger"
à ses spectateurs derrière un respect visuel évident,
suivant sa propre voix, simplifiant, expliquant, imaginant (le
passé quasiment romantique de l'héroïne),
récréant (le méchant et ses liens déroutants
avec le major) et s'achevant en refermant honteusement son regard...
De cette ouverture à l'humanité toute entière,
cette ôde à la vie que représente la fin
du film nippon, on passe à la fermeture du regard sur
une seule -ou presque- entité dans le film US.
NOTE : 13-14 / 20