Voici la description la plus parfaite d'un film dit -d’atmosphère-
: il se passe peu de choses devant nos yeux mais, entre les
personnages les rapports sont tendus, imprécis, irréels
et imperceptibles ; et notre imagination fait le reste. Spirituel.
Et ça, seul un réalisateur tel que Cronenberg
aurait pu le faire passer avec autant de finesse. L'auteur parle
pourtant et tout autant de son sujet de prédilection
: la chair (chirurgie, sexe, corps double, mutation, visions
charnelles et perturbantes) ; et il reste toujours aussi méthodique,
clinique, même si cette fois il se plaît à
analyser les âmes issues de ces chairs.
Il est vrai que le film accuse peut-être quelques longueurs
(c'est, justement, l’aspect clinique du réalisateur,
une vraie opération chirurgicale de l'esprit) mais comment
ne pas être fasciné par ces rapports étranges,
ces liens spirituels qui existent entre les jumeaux (et c'est
à ce niveau que le film bascule dans le "fantastique")
et qui ne sont pas loin d'être une forme étonnante
de schyzophrénie. L'un des jumeaux se substituant à
l'autre au besoin. Mais n'en oublions pas la prestation fabuleuse
de Jeremy Irons au sommet de son art quantà jouer sur
une immense variété de jeu pour faire naître
les différences psychologiques (on sait toujours en présence
de qui l'on est) ; ni la qualité imperceptible des effets
visuels. Le film souligne la double facette de l'être
humain, de manière non pas manichéenne puisque
le jumeau "sain d'esprit" va plonger dans la drogue
et la folie, avant qu'ils ne se retrouvent tout deux. Ecrasant
mais prenant, envoûtant même, Dead ringers
est une oeuvre particulière, synthèse
parfaite de toute la filmographie de son auteur, passée
et à venir. Une oeuvre à savourer puisque d'une
finesse psychologique rare, vous laissant dans un état
de semi-conscience, de quasi-dépression.
H. Shore immerge nos sens dans cette atmosphère et la
photo délavée finit de nous étouffer.
NOTE : 15-16 / 20