Une petite flamme, une petite goutte d'eau, s'aimaient d'amour tendre...
Avec Elémentaire Pixar nous propose l'un de ses films les plus ambitieux et les plus réussis. Tout simplement ; ou presque : puisque c'est l'immense et la substancielle variété des thèmes qui en font une oeuvre complexe et aboutie
Tout débute par l'histoire d'une famille issue de l'immigration économique, celle qui pousse les gens à tout quitter, se déraciner, afin d'offrir à leurs enfants un avenir meilleur. Tout quitter mais emporter leur identité propre pour ne pas tout perdre dans le voyage...
Puis Elémentaire embraie avec le sujet toujours brûlant -sans jeu de mots, malheureusement- de l'intégration des familles étrangères, de leur coutumes et de leurs riches spécificités et, par extansion, de ces préjugés liés à la méconnaissance ou à la bétise crasse. "Element city" est donc une ville bien similaire à nombre de cités occidentales, bien délimitée par des quartiers profondément séparés selon l'origine des communautés. Cet absence de contact direct qui n'arrange en rien le phénomène obscène et abject du racisme et le rend étatique (les panneaux d'interdiction son éloquents...).
Pixar nous propose à nouveau une galerie de personnages griffés, loin des canons particulièrement froids du genre, à mille lieues des design toujours trop semblables des diverses productions à travers le monde. Le studio crée à nouveau un univers tangible, somptueuse métaphore de notre monde sclérosé mais heureux. Le scénario souligne la force de son traitement par des jeux de mots absolument irrésistibles et réellement bien intégrés au flot de l'histoire, flot débordant d'idées à chaque recoins de l'écran et au graphisme aguicheur. Il existe dans Elémentaire une vraie unité visuelle, à dominante bleue, de même qu'une couleur de substitution -le rouge- qui en font une oeuvre visuellement intègre.
Le traitement demeure à la hauteur des ambitions affichées, autant que la trame qui a tout d'une métaphore : boucher les trous pour combler nos manques de connaissance et éviter d'être submergé par la haine et la... peur !
Histoire d'amour et de différences, Elémentairr ne développe pas seulement et uniquement ces différences bien trop visibles, mais tout autant les différences de caractère, de tempérament, sans nul doute bien plus délicates à surmonter : le génie du scénario est de donner à l'homme un caractère larmoyant et à la femme celui du personnage colérique et intempestif.
Mais c'est le coeur de l'oeuvre qui m'a touché au plus haut point, sa manière extrêmement fine d'aborder le sujet et de le présenter sous son meilleur jour. Celui de cette tolérance qui semble si insurmontable à certains qu'ils cherchent des différences là où il n'y en a point, des défauts qui n'existent que dans d'obscurs fantasmes non documentés. Qui se cherchent des excuses pour haïr et ne pas aller vers l'autre. C'est également celle de l'acceptation de l'autre dans son intégrité, sans ne vouloir institutionnellement chercher à changer fondamentalement l'étranger, son Moi profond, son essence, ses traditions. Et plutôt se forcer (l'amour aidant dans le film) à connaître celui qui habite à quelques pâtés de maison de soi. Intégrer et ne jamais assimiler, s'adapter et trouver un terrain d'entente multilatéral : comme cette eau et ce feu qui ne peuvent physiquement pas se mélanger et pourtant parviennent parfaitement à vivre côte à côte (je pensais d'ailleurs aux soudures sous-marines...). Un tissage scénaristique d'une finesse incroyable dont une scène restera -tout d'abord dans les mémoires- un symbole d'une puissance incommensurable : la scène de l'encens.
Et le film creuse encore plus loin que ça : il évoque même l'intégration au sein de sa propre famille (le fameux et traditionnel passage de flambeau) et cette peur de perdre son identité et / ou sa personnalité profonde, ses rêves et ses désirs. Difficile d'être plus exhaustif sur le sujet.
Elémentaire est une oeuvre brillante et à très forte personnalité soulignée par une musique qui nous porte sans cesse.
NOTE : 17-18 / 20