Sur une trame originale qui fera
de nombreux petits bâtards, le scénariste-écrivain
Matheson a su broder une histoire excitante au plus haut point,
puissante et inquiétante. Un faux road-movie qui laisse
grande place à l’imagination : et tout le secret
du film réside ici. Les questions fusent (Qui est-ce ?
Pourquoi fait-il cela ?), restent sans réponse pour mieux
nous faire ressentir la fragilité de la situation, nous
impliquant en disant implicitement combien cela peut arriver à
n'importe lequel d'entre nous. Le truck est un danger explicite
(polluant, inflammable, gros et puissant, visiblement sâle
et en piteux état). De même son mystérieux
chauffeur ne possède pas de visage, il peut être
n'importe qui ; il représente surtout cet inconnu qui nous
effraie tant. En ce sens Duel se trouve être
un conte moderne, mécanique et macchiavélique qui
va crescendo et qui pourrait déboucher sur de multiples
analyses et interprétations : la route et ses engins ne
sont-ils pas de nouveaux et modernes assassins ? Les chauffards
des meurtriers dont la préméditation peut soulever
le doute ?
Quand à Spielberg il a su créer en nous des émotions
nouvelles en mettant en valeur, brodant ensemble les différents
éléments de son film pour nous surprendre et nous
intriguer : depuis le premier plan embarqué jusqu'en une
immense variété de combinaisons pour, sans cesse,
nous surprendre, nous tenir en haleine dans une oeuvre qui s'apparente
pourtant, et d'une certaine manière, au huit-clos (une
vision plus aboutie de l'oeuvre permettrait sans doute de montrer
que l'auteur utilise que très rarement des angles similaires).
Le maître compose intelligemment son cadre pour faire grimper
le suspens (hitchckockien : la musique lui rend hommage) et par
la même l'angoisse d'un véritable cauchemar routier
dans un exercice de style totalement virtuose. Brillant, extrêmement
efficace : un modèle unique pour une oeuvre solaire, moite,
dont la photo participe pleinement à la création
d'une ambiance étouffante.
N'oublions pas que Dennis Weaver y est phénoménal
: il suffit de s'attarder sur ses monologues intérieurs
pour s'en assurer pleinement.
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