Le plus adulte des Pixar : les plus petits risquent de ne pas
forcément accrocher aux propos de ce film, faute de gags
chronométrés comme il est de coutume dans trop
de productions qui leurs sont destinés. Ceci dit, j'ai
eu quelques appréhensions dès le début
: en découvrant l'histoire, je voyais déjà
arriver un nouveau film s'appropriant la thématique dépassée
de la transmission professionnelle générationnelle
: "Tu seras cordonnier mon fils, et pas musicien".
Avec l'éternelle maxime en fond sonore : "Vis tes
rêves". Alors oui : on y retrouve tout cela, seulement
en perspective (on a du mal à définir l'époque
de l'histoire, et l'aboutissement de ses rêves n'y est
pas forcément vu comme une chose positive) ; mais ce
n'est en rien le moteur dramatique du scénario, et il
y a tellement, tellement plus et plus profond. Pour le décor
on y trouvera un bel hommage culturel au Mexique, et ce n'est
pas seulement opportuniste (la communauté mexicaine est
la plus grande minorité ethnique des USA), car le film
embrasse totalement cette tradition culturelle, quitte à
nous dépayser complètement. Des couleurs bariolées
jusqu'à la langue espagnole dans la moindre des chansons,
des dialogues, des traditions lointainement inspirées
de nos propres fêtes jusqu'en des croyances peut-être
plus éloignées des nôtres ; jusqu'en de
savoureux clins d'oeil destinés aux spécialistes
(F. Kahlo ou El Santo). Une immersion totale dans ce qui restera
visuellement un pur bijou d'animation, de couleurs et de mouvements
-somptueusement soulignés par la caméra, ouvrant
à nos yeux ébahis un monde extrêmement riche
et des plus fascinants ; avec cette l'envie irrépréhensible
de faire des arrêts sur chaque image pour en savourer
pleinement le contenu. Et je n'évoquerai que du bout
des lèvres l'expression phénoménale du
visage des personnages, et, bien évidemment, tout particulièrement
celui de "Mama", qui ferait pâlir d'envie le
plus aguerri des acteurs de chair et d'os...
Mais le film n'est pas riche que de ces images : c'est une oeuvre
bouleversante et parfaite pour évoquer avec le recul
nécessaire ce qui attend chacun d'entre nous ; la mort,
la vie après la vie. Cette oeuvre est un appel aux souvenirs,
de ceux qui permettent aux gens disparus de survivre encore
un peu dans la mémoire de leurs proches. Quand à
l'après, comme dit le film : "On ne sait pas"
; à chacun sa propre théorie. Dans ce monde des
Morts il semble y avoir deux catégories de défunts
: d'un côté les oubliés ou les sans familles
/ les pauvres, ceux qui ne peuvent traverser le pont des souvenirs,
et de l'autre les célébrités vénérées
longtemps après leur départ / les riches qui retrouvent
toute leur opulence après leur décès. Mais
ce serait réduire le propos de l'histoire : car grâce
à un fabuleux twist scénaristique, le film va
révéler la teneur de cette malédiction
musicale, ce lourd secret qui en laissera plus d'un pantois,
et d'où va découler comme une espèce de
nouvelle trame à la puissance ravageuse et d'une beauté
rare. Et le film ne cessera de surprendre, même si le
"final" n'est peut-être pas toujours à
la hauteur, presque trop simple. Qu'importe : définitivement
original, abordant un sujet sensible sans en faire quelque chose
de macabre (toute la force de cette tradition, de la vision
de ce peuple), changeant de cap à bon escient et à
merveille (le personnage plus ou moins comique devenant le plus
dramatique et le plus bouleversant de tous), avec ses touches
humoristiques savamment dosées, tout en finesse, Coco
est sans nul doute l'oeuvre la plus émouvante de Pixar
; l'avant-dernière scène restant un moment unique,
terriblement attendrissant. Aucune émotion n'est chiquée
ni clichées, elles découlent toutes d'une longue
histoire et d'un passif vibrant. Ce film est avant tout une
merveilleuse oeuvre sur la famille, la force de ses indéfectibles
liens, mais également sur le pouvoir des rêves,
en filligrammes (avec néanmoins une vive critique du
show-business et de la célébrité), un film
musical ou chaque chanson à sa juste raison d'être.
Un enchantement à tous les niveaux, d'une originalité
presque sans faille.
NOTE : 17-18 / 20