Balada
triste |
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Le générique annonce la couleur : des
monstres en tout genre, ceux du cinéma, ceux de la politique, qui
nous amènent à une intro guerrière où la bétise
du conflit est concentrée en deux petites minutes très violentes
et complètement ubuesques. De La Iglesia n'a pas changé
de ton après toutes ces années de cinéma : il reste
décalé, sombre, extraverti, attaché à des
personnages tordus et extrêmes dans leur façon de réagir
à la vie. Les images sont tristes, grises, noires et blanches et
rouges, esthétisantes. D'inspiration fellinienne -on pensera forcément
à La strada et à A. Quinn- le film est une longue balade
au rythme changeant, à l'histoire d'amour étrange et folle,
violente de bout en bout et dramatique, les personnages sont forts (le
clown joyeux et brutal, le clown triste, amoureux qui perd les pédales,
la trapèziste au coeur mou). Un mélange multiple d'influences
concentré dans un bordel déprimant et sauvage (on reconnaitra
un détournement des Chasses de Zaroff), anti-franquiste, qui nous
présente le monde du cirque comme un bocal de personnalités
ambigues, un carcan étouffant et noir où il n'y a pas de
héros : la femme n'écoute pas son coeur et déclenche
la violence autour d'elle, les clowns se transforment en freaks à
l'opposé de ceux de T. Browning, le trauma du clown triste se métamorphose
en explosion de sang et de meurtres gratuits ; le clown est à la
fois celui qui fait rire et celui qui fait peur puisqu'on ne sait trop
se qui se cache derrière son maquillage. Le final est forcément
le pic de la tragédie : on pense cette fois au Fantôme de
l'opéra ; brûlant, fort et extrêmement touchant. Reste
à se fondre dans cet univers très spécial, rebutant
de prime abord, chaotique et à mille lieues du cinmé traditionnel.
Inégal mais fortement intéressant. |